Énaud "dit Canada"
D'où
lui vient le pseudonyme de soldat "Pierre Canada" ? Aucun indice dans les
registres de la Nouvelle-France nous en indique la provenance. Toutefois, il
est à noter qu'il fût le seul soldat à utiliser le nom "Canada", ce qui est
en soit très significatif.
Selon
l'historien Michel Langlois, (Carignan-Salière, 1665-1668, Biographies, page 323),
"son surnom de Canada le désigne comme étant le Canada de la compagnie du capitaire Saurel". Quant au prénom de Pierre accolé
à Canada, encore là, aucune explication, sinon que ce prénom revêt sûrement
pour lui une grande importance, puisque qu'il en prénomma son fils unique,
lequel à son tour en prénomma ses trois fils...! Pourquoi trois fils du
même prénom ? Il était commun à cette époque de prénommer à la naissance,
plus d'un enfant du même prénom, surtout s'il s'agissait du prénom d'un
aïeul ou de quelqu'un qui revêtait beaucoup d'importance aux yeux des parents;
le taux de mortalité infantile étant très élevé, comme le prouve les
registres de l'époque en Nouvelle-France,
il y avait de grande chance qu'il n'en survivrait peut-être qu'un seul qui pourrait
continuer la propagation du prénom choisi.
Dans le
cas des trois fils de Pierre Énaud-dit-Canada, prénommés aussi Pierre, ils survécurent
tous les trois jusqu'à l'âge adulte. L'aîné naquit vers 1689 probablement
à Sorel et décéda, suite à une escarmouche avec des indiens de la tribu des
"Renards", en 1715, alors qu'il était en route du Fort Pontchartrain
vers le Fort Michillimakinac ; il était connu sous le nom de Pierre Énaud-dit-Canada.
Le second Pierre naquit à Montréal en 1691 et décéda à Berthier en 1757;
il fût connu sous le nom de Pierre Énaud-dit-Delorme. Et le troisième Pierre
naquit à Berthier en 1694 et y décéda en 1756; il fût connu sous le nom de Pierre
Énaud-dit-Fresnière. Ces deux derniers sont les ancêtres d'une très
nombreuse descendance au Québec et au Canada ainsi qu'en Nouvelle-Angleterre;
nous avons recueilli leurs informations généalogiques dans une base de données,
en constante évolution,
que nous avons mis à la disposition de tous. De la lignée Énaud-dit-Delorme
sont aussi issus les descendants connus sous le patronyme Énaud-dit-Portneuf.
Quant au dit nom "Canada" dont l'ancêtre Jacques Énaud fit usage toute sa vie durant, aucune indication ne fût retracée
pour en confirmer la signification. Toutefois, puisqu'il fût le seul
soldat à utiliser ce nom, ce qui n'est pas le cas des noms de soldat
Lafleur et Lafrenaye, pour ne nommer qu'eux parmi tant d'autres, surnoms qui furent
utilisés par plusieurs soldats de différentes compagnies du Régiment de
Carignan, il est fort possible que ce dit nom revête une signification
particulière. Pure spéculation de notre part, mais un indice
retrouvé en 1659 pourrait fort bien en expliquer la provenance.
Au registre des confirmations de Ste-Claire de l'Ile
Percée, au mois d'août 1659, parmi les quatre-vingt-cinq confirmés dont les noms apparaissent
sur cette liste, on note celui de Jacques Hénault, en provenance de
Lisieux, Normandie. Tous les confirmés apparaissant sur cette liste sont
listés comme étant en provenance de la Normandie, soit de l'évêché de
"Lisieux", de "Roüan" et de "Baieux"
(microfilm Drouin #1761 - Confirmations, folio 19 à 21). Cette première mention du nom de
l'ancêtre, s'il s'agit bien de la même personne évidemment, semble tout à fait
significative, puisqu'il a été impossible à ce jour, de
retracer au travers des registres le concernant, aucune mention de son
lieu de naissance; donc impossible de retracer sa famille en France ou
dans les régions avoisinantes.
Qui étaient ces
quatre-vingt-cinq Normands confirmés à l'Ile Percée et que faisaient-ils
sur nos côtes en 1659 ?
Un article de Mario Mimeault sur "Le peuplement de
la Gaspésie", paru dans les Mémoires de la Société Généalogique Canadienne Française (vol. 51 no. 4 cahier 226 hiver 2000)
nous apporte quelques précisions
concernant la présence des pêcheurs Normands sur les côtes Gaspésiennes en
1659. Je cite le paragraphe suivant:
"La Gaspésie a reçu la visite
annuelle de pêcheurs Normand et Bretons à Percé et à Gaspé, dans l'axe le
plus avancé de la péninsule, en allant vers l'est. Monseigneur de Laval en
rencontrait un groupe important à Percé même lorsqu'il venait prendre
possession de son diocèse en 1659. Il confirmait à cette occasion, 140
jeunes jeunes garçons occupés à la manutention de la morue. Il y avait
alors certainement, dans une appréciation des plus conservatrices, de 500
à 1000 pêcheurs de Rouen et d'ailleurs en Normandie, occupés à la
transformation du poisson à cet endroit."
Voilà
qui explique la présence d'un si grand nombre de Normands à Percé, durant
l'été de 1659. La liste des confirmés retrouvée sur microfilm,
des quatre-vingt-cinq jeunes garçons tous originaires de la Normandie, et dans laquelle
nous y retrouvons le nom de "Jacques Hénault", nous
laisse supposée qu'à cette date, il aurait été âgé de moins de vingt ans.
Ce qui correspondrait parfaitement à son âge au moment de son décès, 31
ans plus tard, soit d'approximativement 45 ans. Ce n'est là qu'une
hypothèse et non une certitude, mais tout de même un point de départ pour
une recherche plus approfondie.
Autre fait non négligeable concernant la
confirmation de "Jacques Hénault"; il a été impossible de retracer
un autre acte de confirmation portant le nom de Jacques Énaud ou Hénault.
Toutefois, selon l'historien Michel Langlois, "il aurait reçu le
scapulaire à Québec le 21 septembre 1665, et aurait aussi été confirmé le
même jour, selon la liste de 1668" (Régiment de Carignan-Salière p.323).
Nous avons fait des recherches en ce sens, et tel que mentionné
précédemment, il nous a été impossible de retrouver un acte de
confirmation au nom de Jacques Énaud/Hénault soit en 1665 ou 1668 au
microfilm de la collection Drouin ainsi que sur le PRDH; ces deux sources
par contre nous confirme l'existence de l'acte d'août 1659. Par
contre, les compagnons
d'armes de Jacques Énaud, ainsi que sa future épouse Marie Leroux, furent confirmés au Fort St-Louys, le 20 mai 1668. Si ce dernier n'apparaît pas aux actes de
confirmation de 1668 et 1669, il est naturel d'en déduire qu'il avait été
confirmé auparavant en Nouvelle-France et qu'il pouvait en fournir la
preuve. Sinon, il aurait été obligé de se conformer à la règle
établie comme
tous les autres migrants français, à cette époque.
Cette même liste contient un autre nom qui pourrait
être significatif; on y retrouve un dénommé "Jean Leroux" du diocèse de
Rouen. Il est à noter que Marie Leroux, originaire de Rouen, épousa vers 1669 Jacques Énaud dit Canada,
possiblement dans la région de Sorel.
Coïncidence peut-être, mais il y a là matière à réfléchir. En
généalogie, la recherche est fondée sur des faits, mais pour y arriver, il
faut savoir utiliser son flair et parfois élaborer de multiples hypothèses
avant d'arriver aux faits. Il s'agit ici d'une piste à suivre...
Alors espérons que l'un d'entre vous aura le plaisir de découvrir un jour,
les origines de cet ancêtre élusif.
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